La pédophilie chez les Témoins de Jéhovah
La gestion des cas de pédophilie chez les Témoins de Jéhovah présente beaucoup de défaillances. Celles-ci sont mises en lumière via des enquêtes gouvernementales, des reportages, des auditions d’anciens (poste à responsabilité) et de membre du collège central. Mais aussi par des lanceurs d’alertes qui témoignent et des leaks, par exemple sur des directives internes pour détruire les preuves.
La gestion de la pédophilie est un sujet sensible. Cela ne concerne pas uniquement les Témoins de Jéhovah. D’autres sociétés sont aussi concernées. Avec des enjeux comme l’image. Avec aussi, pour les Témoins de Jéhovah, le poids d’être « les élus ». Mais, on réalise que la problématique est institutionnelle dans cette organisation. Sa prise en charge pourrait donc être grandement améliorée si l’organisation accepte quelques changements fondamentaux.
L’organisation des Témoins de Jéhovah fait face à deux problèmes principaux. D’abord, elle applique le principe biblique des « deux témoins » pour enquêter sur un cas de pédophilie. Ensuite, elle ne veut pas jeter l’opprobre sur le nom de Jéhovah, ce qui a pour conséquence d’éviter d’ébruiter ces affaires. En Australie, par exemple, le gouvernement a identifié 1006 cas de pédophiles chez les Témoins de Jéhovah non signalés aux autorités, dans le cadre d’une enquête de grande envergure. Les constats sont identiques partout à travers le monde. L’organisation des Témoins de Jéhovah a donné des directives aux anciens concernant la gestion de ces cas et les adeptes reçoivent tous la même « nourriture spirituelle ».
Les Témoins de Jéhovah essaient notamment de faire valoir le secret de la confession pour cacher ces crimes alors que la procédure qu’ils appliquent est beaucoup plus complexe et implique beaucoup plus de monde qu’une confession à l’intérieur d’un confessionnal.
Les victimes subissent donc un double traumatisme : l’acte de leur agresseur ainsi que la procédure appliquée avec tout ce qu’elle implique.
Pour en savoir plus
Les enquêtes
Enquête de la Royal Australian Commission
La Royal Australian Commission est une enquête officielle de grande envergure. Elle a globalement pour but d’analyser la gestion de la pédophilie dans les organisations et d’améliorer la situation. Le dossier d’enquête concernant les Témoins de Jéhovah est disponible ici en anglais. Je vous encourage entre autres de lire le rapport de conclusion en anglais de l’enquête. Vous trouverez aussi une traduction automatique en français ici et mon résumé du rapport sur cette page. Elle a permis de mettre au grand jour plus de 1006 cas de pédophiles connus par les Témoins de Jéhovah d’Australie et non reportés aux autorités.
Elle a identifié les politiques, pratiques et procédures qui posent problèmes dans le cadre de la gestion de la pédophilie chez les Témoins de Jéhovah (page 12) :
- L’organisation n’a pas l’habitude de signaler les abus sexuels sur des enfants à la police ou à toute autre autorité
- Avant 1998, un survivant d’abus sexuel d’enfant était tenu de faire son allégation en présence de son agresseur
- Si l’accusé n’avoue pas, il y a une exigence inflexible qu’il y ait deux témoins oculaires à un incident d’abus sexuel d’enfant
- Les femmes sont absentes des processus décisionnels du système disciplinaire interne
- Il n’y a pas de disposition claire pour qu’un survivant d’abus sexuel soit accompagné d’une personne de soutien pendant la procédure disciplinaire interne
- L’organisation a des pratiques de gestion des risques limitées et inefficaces
- L’organisation a pour politique et pratique d’ostraciser ceux qui souhaitent quitter l’organisation.
La commission a recommandé aux Témoins de Jéhovah de mettre en place les 3 mesures clés suivantes :
- Faire participer des femmes aux comités judiciaires
- Abandonner la règle des deux témoins dans les cas d’abus sexuels
- Cesser d’ostraciser les personnes qui quittent l’organisation en raison d’abus sexuels
Les Témoins de Jéhovah ont refusé d’appliquer ces mesures en arguant qu’elles étaient en contradiction avec leur compréhension de la bible.
Audition de Geoffrey Jackson, dirigeant
Sur cette chaîne YouTube, nous trouvons quelques auditions d’anciens (postes à responsabilité) avouant ne pas avoir dénoncé des cas. Nous y trouvons également Geoffrey Jackson, membre du collège central et dirigeant de l’organisation qui se fait aussi auditionné. Cette audition qui dure 2 heures est particulièrement intéressante. Elle est, et continue à être d’ailleurs à l’origine de nombreux départs au sein de l’organisation. Voici donc certains points que j’ai retenus de la vidéo de Geoffrey Jackson :
- Il admet effectivement la règle des 2 témoins et qu’il faudrait une loi contraignante pour qu’ils dénoncent les cas ;
- Le procureur recommande qu’une victime féminine puisse être pris en charge par une femme et non par des hommes. Cette mesure n’a pas été prise car la femme n’aura jamais de pouvoir au sein de l’organisation ;
- Il admet que le collège central (sommet de l’organisation) s’élit en interne, ce qui est contraire aux écritures ;
- Il affirme que l’organisation n’est pas le canal unique de Dieu alors que leurs littératures affirment le contraire.
Parler de cette vidéo à d’autres Témoins de Jéhovah peut conduire à une excommunication.
Audition de Kevin Bowditch, ancien
Kevin Bowditch avoue à la Royal Commission que la majorité des cas de pédophilie ne sont pas reportés aux autorités.
Enquête de la Royal Commission of Inquiry de Nouvelle-Zélande
La Royal Commission of Inquiry est une Commission d’enquête de Nouvelle-Zélande, similaire à la Royal Commission into Institutional Responses to Child Sexual Abuse d’Australie. Elle a été créée en 2018 pour enquêter sur les abus et la négligence des enfants, des jeunes et des adultes dans les soins de l’État et des institutions religieuses entre 1950 et 1999. Sans surprise, l’étude de cas sur les Témoins de Jéhovah révèle les mêmes dérives. Le rapport a été publié en juin 2024. En voici quelques extraits.
Plusieurs facteurs religieux ont accru le risque d’abus pendant la période couverte par l’enquête, notamment le statut des Anciens et le pouvoir et l’influence qu’ils exerçaient, en particulier sur les enfants et les jeunes. La religion rencontrait d’importants obstacles à la divulgation des abus, ce qui rendait plus difficile pour les individus de divulguer tout abus, que ce soit à d’autres membres de la foi ou aux autorités laïques. Ces obstacles comprenaient la position inférieure des femmes au sein de la foi, les processus de divulgation rigides, la peur d’être rejetée et la relative déconnexion des non-Témoins de Jéhovah, autant de facteurs qui ont probablement empêché ou retardé les victimes de révéler les abus. Il y avait également un contrôle inadéquat des Anciens et une formation insuffisante pour prévenir ou réagir aux abus.
Point 4
L’enquête conclut que les Témoins de Jéhovah ont pris des mesures inadéquates pour prévenir et répondre aux abus dans le cadre des soins (des égards – la considération d’ordre moral) pendant la période couverte par l’enquête. Les politiques, règles et normes applicables aux abus sexuels sur enfants de manière plus générale étaient principalement basées sur des passages de la Bible et se trouvaient dans de nombreuses publications différentes des Témoins de Jéhovah. Les processus de traitement et de réponse aux révélations de maltraitance de toute nature étaient dépassés et inefficaces, comme l’exigence d’avoir deux témoins en cas de maltraitance d’enfants. Il y avait un manque de signalement aux autorités externes et des conséquences inadéquates pour les agresseurs au sein de la religion. Ces facteurs s’appliquaient également à la maltraitance dans le cadre des soins.
Point 7
L’ex-ancien Shayne Mechen a déclaré que les membres étaient découragés de signaler des problèmes à la police, parce que la foi considérait la police comme faisant partie de la population « mondaine » en dehors des Témoins de Jéhovah : « la police est considérée comme mauvaise et sous le contrôle de Satan .
Point 168
L’Enquête n’a trouvé aucune preuve selon laquelle les Témoins de Jéhovah auraient transmis des allégations d’abus sexuels à la police au cours de la période couverte par l’enquête à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande. Cela concorde avec les conclusions de l’enquête en Australie et au Royaume-Uni.
Point 172
Le Collège central des Témoins de Jéhovah devrait présenter des excuses publiques et reconnaître les abus et la négligence dont ont été victimes les Témoins de Jéhovah en Nouvelle-Zélande.
Recommendations
Voir l’article associé :
Enquête IICSA en Angleterre
Une commission d’enquête indépendante sur les abus sexuels envers les enfants en Angleterre a été mise en place en 2015 en raison de graves préoccupations selon lesquelles certaines organisations avaient échoué et continuaient de ne pas protéger les enfants contre les abus sexuels. Le 2 septembre 2021, celle-ci a publié son 16e rapport dans lequel on retrouve notamment la problématique de la pédophilie chez les Témoins de Jéhovah. Les constats sont les mêmes que pour les autres pays : on y retrouve l’application de la règle archaïque des deux témoins et des témoignages glaçants.
Le rapport dit notamment ceci :
Les Témoins de Jéhovah sont l’une des rares organisations religieuses à avoir une procédure disciplinaire interne pouvant conduire à l’exclusion des membres. Les procédures disciplinaires internes des Témoins de Jéhovah continuent d’utiliser une règle de preuve corroborante connue à l’extérieur de la communauté sous le nom de « règle des deux témoins », selon laquelle, en l’absence d’une confession, la déposition de deux témoins est requise pour établir une allégation, qui peut alors conduire à l’exclusion à des fins de discipline interne. La règle n’est pas censée être une mesure de protection. Néanmoins, elle n’a pas sa place dans aucune réponse aux abus sexuels sur enfants et échoue selon le fait que, de par sa nature même, les abus sexuels sur enfants sont le plus souvent perpétrés en l’absence de témoins. La capacité de la règle à nuire aux victimes et aux survivants d’abus sexuels sur des enfants est claire. Nous avons reçu des preuves de première main de ce préjudice. Tel qu’il fonctionne actuellement, le processus disciplinaire interne des Témoins de Jéhovah pour les membres exclus n’a aucun rapport avec la façon dont le crime sexuel se produit. L’utilisation actuelle de cette règle démontre un mépris de la gravité des crimes impliqués et de son impact sur les individus. Elle manque également de compassion pour la victime et sert à protéger l’auteur du crime.Page 115 #25
Page 115 #25
Sky News, chaîne Anglaise, en parle d’ailleurs dans le reportage ci-dessous :
Vous trouverez plus d’informations concernant cette enquête sur mon article de blog.
Sources:
- PDF en Anglais: Child protection in religious organisations and setting – September 2021
- Page principale de la Commission: Site principal: https://www.iicsa.org.uk/
- Page du 16ème rapport: child-protection-religious-organisations-settings
Enquête dans l’État de New York
En août 2019, une fenêtre de minimum une année a démarré à New York. Celle-ci permet donc aux victimes de pédophilie de dénoncer sans prescription leurs agresseurs. Vous pouvez voir cette annonce dans cet article de la CNN. Concernant les cas d’abus sexuels chez les Témoins de Jéhovah, l’avocat Irwin Zalkin est le principal défenseur des victimes. Vous pouvez voir sur la vidéo suivante où il s’exprime accompagné de plusieurs victimes Témoins de Jéhovah. Il apparaît aussi dans le reportage de Oxygen, dont je parle plus bas. Il y explique que l’organisation empêche l’accès à la liste des pédophiles qu’elle possède. Son cabinet en parle d’ailleurs dans cet article en anglais : La base de données secrètes des pédophiles des Témoins de Jéhovah.
Voici les 3 dernières plaintes en cours (état à fin 2020) contre les 8 membres du collège central des Témoins de Jéhovah à New York.
– Affaire Diaz, déposée le 21/10/2020 par le cabinet d’avocats Zalkin – deux plaignants abusés (ici et ci-après – prétendument) par deux « serviteurs ministériels » dans les années 1970.
– Affaire Iglesias, déposée le 19/10/2020 par Eisenberg & Baum, LLP contre diverses entités de New York et de Washington – abusés par un « ancien » et un « surveillant itinérant » dans les années 1970 et 1980.
– Affaire Aldridge, déposée le 10/06/2020 par le cabinet d’avocats Zalkin – abusée par un « ancien » de la congrégation dans les années 1970.
Procédure de gestion de la pédophilie
La procédure ci-dessous a été identifiée par la Commission Royale Australienne. Elle est basée sur le livre destiné aux anciens « Prenez garde à vous-même et à tout le troupeau », édition de 1991. Elle fait partie des pièces officielles de cette enquête. Elle va bien au-delà d’une confession dans un confessionnal, avec un seul prêtre, alors que les Témoins de Jéhovah essaient de s’appuyer sur le secret de confession et de la liberté religieuse pour dissimuler des crimes.
L’organigramme s’efforce de suivre les étapes décrites dans le livre « Prenez garde à vous-même et à tout le troupeau » (ks91 – page 109 – anglais). Il incorpore des étapes supplémentaires pour permettre aux anciens de maintenir la confidentialité là où les lois de César prévoient le privilège ou l’exemption des lois de signalement. Les anciens reçoivent des informations sur les affaires de maltraitance d’enfants de deux manières ; (1) Lorsqu’une accusation est portée contre l’agresseur présumé, ou (2) lorsque l’agresseur s’approche d’un ancien et avoue. En suivant les directives de la page 109 du livre, l’ancien qui reçoit cette information de l’une ou l’autre source s’approche du surveillant-président (3) et une réunion du collège des anciens est organisée (4). Nous avons inséré une étape supplémentaire (3a) qui a déjà été établie avec les affaires de maltraitance d’enfants, c’est-à-dire que les anciens doivent contacter l’Organisation avant de prendre toute mesure. Le département juridique et/ ou le département de service peuvent conseiller les anciens sur la manière dont ils doivent approcher l’accusé, s’il ne s’agit pas d’une confession. Ils peuvent également être en mesure de donner des conseils généraux sur la gestion de ces cas à ce moment-là. Lors de la réunion du collège des anciens, l’ancien qui auditionne l’accusation ou l’aveu donnera des informations suffisantes au collège des anciens présents (en gardant à l’esprit le principe de confidentialité visé dans le livre des anciens (article 91 dans le dernier paragraphe de la page 79) afin qu’ils puissent déterminer si un délit d’excommunication a été commis et s’il y a un aveu (6), ou si l’affaire est susceptible d’être avérée de la bouche de deux ou trois témoins (8) ou s’il ya de sérieuses suspicions (5). S’il y a de sérieuses suspicions, mais que rien n’indique que l’affaire peut être avérée par la bouche de deux ou trois témoins, le collège des anciens présents à ce moment-là désigne deux frères pour enquêter sur les allégations.(7) Ces anciens feront un rapport au collège des anciens. Si les allégations peuvent maintenant être avérées par deux ou trois témoins, par confession ou par des preuves circonstancielles suffisantes, l’un des anciens, de préférence le Surveillant-Président, contactera le service juridique de l’Organisation (ou le département de Service dans certains cas) pour voir s’il y a des lois applicables en matière de signalement. L’Organisation déterminera s’il existe des lois de signalement applicables dans cet État ou territoire, et s’il existe ou non des exemptions pour les ministres du culte et/ou une protection par le biais du privilège ecclésiastique à faire valoir. L’Organisation aura besoin de savoir s’il y a eu ou non un aveu (une confession) pour trancher cette question, mais elle n’aura pas besoin de connaître le nom de la personne. De cette façon, les officiers de l’Organisation, à ce stade des procédures, n’ont pas besoin d’être des avocats en exercice et pourraient donc être les frères du bureau de service, à condition que le service juridique puisse leur donner des directives claires pour leur permettre d’appliquer les diverses lois de l’État. Ce ne serait pas difficile en Australie. Si l’Organisation conseille aux anciens de signaler l’affaire aux autorités, les anciens chargés d’enquêter sur l’affaire, ou la personne qui a reçu la confession, doivent aviser l’accusé qu’ils sont tenus de faire le rapport (12). Ils doivent ensuite le faire (13) en rédigeant un rapport écrit complet pour les dossiers (14). À ce stade, tous ont connaissance des moindres détails de l’affaire, mais l’affaire n’a peut-être pas fait l’objet d’une enquête approfondie par un comité. De cette façon, ce que les anciens ont (comme éléments) est du ouï-dire, sauf dans le cas d’un aveu (une confession) où l’auditeur a une information de première main. Cela peut présenter certains avantages pour revendiquer la confidentialité en vertu du privilège lorsque le privilège est fondé uniquement sur l’aveu (la confession). Les autorités sont maintenant au courant de l’affaire, soit par le rapport fait par les anciens (13), soit par un rapport d’un tiers (25). Une commission est alors désignée pour traiter l’affaire (11), soit après l’établissement du rapport, soit s’il n’y a pas d’obligation légale de signalement. Si l’information est venue par voie d’aveux, soit initialement (2), soit au cours de l’enquête (7), ou même ultérieurement, le Comité judiciaire (et en fait tous les anciens) gardera une stricte confidentialité là où le privilège ecclésiastique est applicable. Ils le feront à moins que le privilège n’ait été violé par une réprimande devant tous les spectateurs (20), c’est-à-dire lorsque, par exemple, l’agresseur se repent et s’excuse devant la famille de la victime et reçoit un conseil ou une réprimande en leur présence, ou lorsqu’un lettre est écrite à un autre collège des anciens de la congrégation vers laquelle l’agresseur s’est déplacé (22). Dans de nombreux cas, mais peut-être pas tous, si l’agresseur passe d’un État sans lois sur le signalement à un État qui a des lois sur le signalement, le nouveau collège des anciens pourrait maintenant avoir besoin de vérifier auprès de l’Organisation (9) quant à leur devoir. Si le privilège (ecclésiastique) a été levé en raison d’une violation de la confidentialité (28), comme par exemple aux points (20) et (22), le président du comité vérifiera à nouveau auprès de l’Organisation pour s’assurer de ses obligations légales avant de divulguer des informations aux autorités. Lorsque les anciens font le bref rapport approprié au collège des anciens (19), annoncent une exclusion sans en indiquer la cause, ou envoient un avis d’exclusion (excommunication) à l’Organisation (21), il serait approprié d’essayer, là où le privilège ecclésiastique est applicable, et d’affirmer que ces actions font partie du rituel confessionnel (pour maintenir la confidentialité).
Ainsi, en Australie, où il n’y a pas de confession, il n’y a pas de privilège ecclésiastique (24), et les seules circonstances dans lesquelles le privilège (de confidentialité) peut être revendiqué sont lorsqu’il existe une législation prévoyant cette disposition et qu’il y a une confession, c’est lorsque le privilège n’a pas été renoncé par des révélations telles que la réprimande devant les spectateurs (20), et la lettre selon les instructions données dans la lettre du 14 mars 1997 (1er mai 1997 en Australie) à tous les anciens (22). La dernière étape avant de donner des informations, de remettre des dossiers ou de témoigner devant un tribunal est de vérifier auprès de l’Organisation, de préférence auprès du service juridique, si la filiale en a un.
Voir les deux documents sur le site de la Royal Australian Comission.
Règles concernant la pédophilie
Règle 1 – Les deux témoins
Les Témoins de Jéhovah sont fiers de mettre en avant qu’ils appliquent la Bible et ses lois. La bible donne notamment les directives suivantes :
Et si ton frère pèche [contre toi], va, reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais s’il ne t’écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que par la bouche de deux ou de trois témoins toute affaire soit établie. Et s’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée ; et s’il refuse aussi d’écouter l’assemblée, qu’il te soit comme un homme des nations et comme un publicain.
Matthieu 18:15, 16
La tour de garde du 1er novembre 1995 développe le sujet :
Que peuvent faire les anciens? Quand un membre de la congrégation vient trouver les anciens et leur explique qu’il souffre de réminiscences ou de « ‘souvenirs refoulés » d’abus sexuel alors qu’il était enfant, deux anciens sont généralement chargés de lui apporter de l’aide. Avec bienveillance, ils encourageront l’affligé, dans un premier temps, à chercher à surmonter sa détresse affective. Le nom de tout agresseur présumé devra être tenu strictement confidentiel.
Le rôle premier des anciens est d’agir en bergers (Ésaïe 32:1, 2; 1 Pierre 5:2, 3). Ils veilleront particulièrement à `se revêtir des tendres affections de la compassion, ainsi que de bonté, d’humilité d’esprit, de douceur et de longanimité’. (Colossiens 3:12.) Ils écouteront avec bienveillance, puis feront usage des paroles curatives des Écritures (Proverbes 12:18). Des personnes souffrant de « souvenirs » pénibles ont été reconnaissantes de ce que les anciens leur rendent régulièrement visite ou même leur téléphonent pour prendre des nouvelles. Ces conversations ne sont pas nécessairement longues, mais elles montrent que l’organisation de Jéhovah se soucie de telles personnes. Le chrétien souffrant qui constate l’amour sincère de ses compagnons retrouvera peut-être plus facilement une bonne part de son équilibre affectif.
Que faire si l’affligé décide de porter une accusation*? Dans ce cas, les deux anciens peuvent l’informer que, conformément au principe exposé en Matthieu 18:15, il devrait en parler personnellement à l’accusé. Si, affectivement, le plaignant n’est pas en mesure d’affronter l’accusé, il peut le faire par téléphone ou par courrier. De cette façon, l’accusé aura la possibilité de faire une déclaration solennelle devant Jéhovah pour répondre à l’accusation. Il sera peut-être même en mesure de prouver qu’il n’a pas pu commettre l’agression. Ou alors, l’accusé avouera peut-être et l’on parviendra éventuellement à une réconciliation. Quelle bénédiction ce serait ! S’il y a aveu, les deux anciens pourront continuer de traiter l’affaire conformément aux principes bibliques.
Si l’accusation est niée, les anciens devraient expliquer au plaignant qu’ils ne peuvent rien faire de plus dans le domaine judiciaire. Et la congrégation continuera de tenir l’accusé pour innocent. La Bible spécifie qu’il doit y avoir deux ou trois témoins pour qu’une démarche judiciaire soit entreprise (2 Corinthiens 13:1; 1 Timothée 5:19). Même si plusieurs plaignants se « souviennent » avoir subi des sévices de la même personne, la nature de ces souvenirs est en soi trop incertaine pour servir de fondement à des décisions judiciaires s’il n’y a pas d’autres éléments à charge. Cela ne signifie pas que ces « souvenirs » sont considérés comme mensongers (ou comme authentiques). Mais quand on juge une affaire, il faut respecter les principes bibliques.
Que faire si l’accusé, même s’il nie son méfait, est réellement coupable? Va-t-il s’en tirer « à bon compte » Certainement pas! La question de sa culpabilité ou de son innocence peut être remise en toute confiance entre les mains de Jéhovah. « Les péchés de certains hommes sont manifestes pour tous et mènent tout droit au jugement; mais, chez d’autres hommes, leurs péchés aussi deviennent manifestes, par la suite. » (1 Timothée 5:24; Romains 12:19; 14:12). Le livre des Proverbes dit: « L’attente des justes est une allégresse, mais l’espoir des méchants périra. » « Quand meurt un homme méchant, son espoir périt. » (Proverbes 10:28; 11:7). En dernier ressort, Jéhovah Dieu et Jésus Christ prononceront un jugement éternel en toute justice. — 1 Corinthiens 4:5.
La tour de garde du 1er novembre 1995 – Pages 28 et 29.
Appliquer le texte de Matthieu 18:15 est une totale absurdité et ne fait vraiment aucun sens à notre époque. Si la victime est seule au moment des faits, ce qui est souvent le cas dans ce genre d’affaires, il n’est pas possible de la croire sur parole. Dans ce cas, le pédophile ne peut pas être neutralisé. De plus, les autorités ne sont pas mises au courant, alors qu’elles ont potentiellement des informations sur l’accusé et des moyens « modernes » d’enquêter. Sans compter le fait qu’il est important de protéger toute la population. Ainsi, l’affaire est laissée « entre les mains de Jéhovah ». Cette règle est malheureusement un bon exemple de fondamentalisme religieux et donc de cette volonté de suivre à la lettre des textes bibliques en toutes circonstances.
Règle 2 – Ne pas jeter l’opprobre sur le nom de Jéhovah
Les Témoins de Jéhovah ne doivent pas jeter l’opprobre sur le nom de Jéhovah et de son organisation.
La fidélité envers Jéhovah Dieu nous empêchera également de faire quoi que ce soit pouvant jeter l’opprobre sur son nom et son Royaume. N’imitons pas ces deux chrétiens qui ont pris la regrettable décision de porter leur différend devant la justice. N’êtes-vous pas tous les deux Témoins de Jéhovah ? leur a demandé le juge. Manifestement, il ne comprenait pas ce que ces chrétiens faisaient devant un tribunal. Quelle honte ! S’ils avaient été vraiment fidèles à Jéhovah Dieu, ces frères auraient tenu compte de ces paroles de l’apôtre Paul.
Tour de garde du 15 mars 1996 – Page 15
Le signalement aux autorités n’est pas non plus un devoir moral pour eux :
Dans la congrégation chrétienne, les anciens ont la responsabilité de s’occuper des violations de la loi divine, telles que le vol, le meurtre et l’immoralité sexuelle. Cependant, Dieu n’exige pas d’eux qu’ils veillent à l’application des lois de César. Voilà pourquoi Paul ne s’est pas senti obligé de remettre aux autorités romaines Onésime, qui était un fugitif au regard de la loi romaine (Philémon 10, 15). Bien sûr, s’il est flagrant qu’un chrétien enfreint la loi, et que cela devienne notoire, il ne sera certainement pas un bon exemple et pourra même être exclu (I Timothée 3:2, 7, 10). Si sa faute a entraîné la mort d’autres personnes, il se peut qu’il en résulte une dette de sang nécessitant l’ouverture d’une enquête.
La tour de garde du 1er octobre 1986 – Page 31
La Tour de Garde d’étude de mai 2019 chapitre 10 paragraphe 13 fait aussi ressortir cette règle indirectement :
« Les anciens obéissent-ils aux lois imposant de signaler aux autorités une accusation d’abus sexuel sur enfant ? Oui. La ou de telles lois existent, les anciens les respectent. »
Tour de garde de mai 2019 – Page 10
Les Témoins de Jéhovah ont volontairement écrit cela avec une tournure bien particulière. L’organisation évite donc d’ébruiter ces cas. Sauf si une loi existe pour les y contraindre.
Ainsi, dans le témoignage ci-dessous, Kevin Bowditch, ancien, auditionné par la Royal Australian Commission, avoue que la majorité des cas de pédophilie ne sont pas reportés aux autorités :
Règle 3 – Prédication obligatoire pour mériter le salut
L’activité de prédication, réalisée en tandem, est une œuvre essentielle pour tout Témoin de Jéhovah pour mériter le salut. Elle est constamment encouragée et est cruciale pour être bien intégré au sein du groupe. Ainsi, les anciens qui connaissent un pédophile dans leur congrégation n’interdiront pas celui-ci à faire du porte-à-porte. Les directives qui encadrent les activités des pédophiles chez les Témoins de Jéhovah concernent uniquement l’impossibilité d’accéder à certains privilèges.
Tout d’abord, un ancien doit être « maître de lui-même ». (Tite 1:8.) Personne, il est vrai, n’est parfaitement maître de soi (Romains 7:21-25). Mais pour un adulte voué à Jéhovah, abuser sexuellement d’un enfant est révélateur d’une faiblesse charnelle contre nature. L’expérience montre qu’une telle personne est tout à fait susceptible de faire de nouvelles petites victimes. Même s’il est vrai que tous les agresseurs d’enfants ne recommencent pas, les cas de récidive sont nombreux. Or la congrégation ne peut lire dans les coeurs pour savoir si le coupable risque de s’en prendre de nouveau à des enfants (Jérémie 17:9). Aussi le conseil de Paul à Timothée prend-il tout son poids dans le cas d’adultes baptisés qui, dans le passé, ont agressé des enfants : » Ne pose hâtivement les mains sur aucun homme; ne participe pas non plus aux péchés des autres. » (1 Timothée 5:22). Pour la protection de nos enfants, un homme ayant abusé sexuellement d’un enfant ne remplit pas les conditions requises pour assumer des responsabilités dans la congrégation. Il ne peut pas non plus recevoir un quelconque privilège de service à plein temps, tel que celui de pionnier. — Voir le principe énoncé en Exode 21:28, 29.
Tour de de garde du 1er janvier 1997 – Page 29
Reportages
Malheureusement pour les francophones, la plupart des reportages de qualité ne sont disponibles qu’en anglais.
Oxygen – The witnesses
Le reportage d’Oxygen sur les abus sexuels est de loin le meilleur concernant la pédophilie chez les Témoins de Jéhovah. Il couvre absolument tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet. On y retrouve des témoignages poignants des victimes, des procédures juridiques en cours ainsi que la situation actuelle. Il est disponible sur plusieurs services de streaming.
Oxygen – The-witnesses – Episode 1 – The watchtower
Oxygen – The witnesses – Episode 2 – A window for justice
Mais vous pouvez quand même voir facilement la bande-annonce :
ViceTV – Crusaders
Des lanceurs d’alertes divulguent des documents volés dans le cadre d’une croisade visant à exposer les allégations d’abus et de manipulation mentale au sein d’une organisation religieuse mondiale : les Témoins de Jéhovah. Plus de détails dans cet article. À voir gratuitement via ce lien à l’aide d’un vpn positionné aux Etats-Unis.
ABC news – Échapper aux Témoins de Jéhovah
ABC News a sorti un épisode sur les Témoins de Jéhovah via sa chaîne spéciale d’investigation « Four Corners ». Le reportage aborde notamment le sujet de la pédophilie. Pus de détails dans cet article. À voir gratuitement sur YouTube :
Les enveloppes bleues et la base de données secrète des pédophiles
En 1997, la Watchtower a envoyé aux responsables (anciens) des congrégations une lettre afin de se constituer une base de données secrète des pédophiles présents au sein de son organisation. En voici quelques extraits :
Il est possible que certaines personnes qui se sont rendues coupables d’abus sexuels sur des enfants aient été ou soient actuellement en service en tant qu’anciens, serviteurs ministériels ou pionniers réguliers ou spéciaux. D’autres peuvent avoir été coupables d’attouchements sur des enfants avant d’être baptisés. Le collège des anciens ne doit pas interroger les individus. Cependant, le corps des anciens devrait discuter de cette question et donner à la Société un rapport sur toute personne qui sert actuellement ou qui a servi dans un poste nommé par la Société dans votre congrégation et qui est connue pour avoir été coupable de pédophilie dans le passé.
Dans votre rapport, veuillez répondre aux questions suivantes : Depuis combien de temps a-t-il commis ce péché ? Quel était son âge à l’époque ? Quel était l’âge de sa ou ses victimes ? S’agissait-il d’un événement ponctuel ou d’une pratique ? Si c’était une pratique, dans quelle mesure ? Comment est-il considéré dans la communauté et par les autorités ? A-t-il vécu une certaine notoriété dans la communauté ? Les membres de la congrégation sont-ils conscients de ce qui s’est passé ? Comment le perçoivent-ils et/ou la ou les victimes ? A-t-il déjà été excommunié, réprimandé, conseillé ou traité d’une autre manière ? S’il a déménagé dans une autre congrégation, veuillez identifier la congrégation dans laquelle il a déménagé. Cette congrégation a-t-elle été informée de sa conduite passée à l’égard d’abus sexuels envers les enfants et, si oui, quand ? (Si vous ne l’avez pas informée, vous devez le faire maintenant et envoyer une copie de votre lettre à la Société dans une enveloppe « spéciale bleue »). Ces informations doivent être envoyées à la Société avec toutes les autres observations du corps des anciens. Veuillez envoyer cette lettre à la Société dans l’enveloppe « Spéciale bleue » afin que les facteurs impliqués soient dûment pris en considération ; cette information ne doit pas être communiquée aux personnes non concernées.
Destruction de preuves
Le reportage de Oxygen cité plus haut parle notamment de la destruction des preuves concernant les cas de pédophilie. À ce sujet, vous pouvez voir dans la vidéo suivante une directive interne donnée par l’organisation des Témoins de Jéhovah. Ils affirment que Satan va les attaquer sur le plan juridique et qu’il faut supprimer les preuves.
De plus, vous pouvez écouter dans le reportage Australien de ABC News, le témoignage de Kevin Dean, un ancien « ancien » qui a dénoncé la Watchtower après que celle-ci lui a demandé de remplir un formulaire pour protéger légalement l’organisation ainsi que de détruire les notes qu’il possédait sur un cas d’abus sexuel en 2019. Voici ce que dit l’extrait de ce reportage:
Jusqu’à l’année passée (2020), Kevin Dean était un ancien (poste à responsabilité) aux Etats-Unis. Après avoir reçu un rapport d’abus sexuel envers un enfant en 2019, il en a référé au département légal (des Témoins de Jéhovah). On lui a demandé de remplir un formulaire qui serait utilisé pour défendre l’organisation de litiges juridiques.
« Pendant que je remplissait cela, je ne comprenait pas pourquoi je faisait cela, et quelle sorte de litiges et troubles légaux cela impliquait, pourquoi j’avais besoin d’un avocat, et lorsque j’ai lu le language légal, à ce moment-là, j’ai réalisé qu’il ne s’agissait pas de protéger des enfants. Ils étaient préoccupés à protéger l’organisation. «
Ce qui s’est passé ensuite a surpris Kevin Dean.
« Après quelques semaines, après avoir eu ces conversations avec le département légal, j’ai reçu un appel téléphonique et le frère m’a dit: « frère Dean, nous voulons que vous détruisiez toutes vos notes, écrites et électroniques » Je pense qu’ils étaient préoccupés à ce qu’il y ait des contradictions entre les notes des anciens et le formulaire, et donc, comme nous avions déjà rempli le formulaire, il ne voulaient que rien ne rentre en contradiction avec celui-ci. »
Kevin Dean a décidé de quitter l’organisation des Témoins de Jéhovah et de témoigner contre eux (L’organisation des Témoins de Jéhovah.)
Témoignage de Barbara Anderson
Barbara Anderson fut Témoin de Jéhovah de 1954 a 1997. Elle travailla au siège central pendant la période de 1982 à 1992, en tant que rédactrice notamment. Elle y découvrit des documents concernant la non-dénonciation de la pédophilie. Elle en informa ses supérieurs. Elle tenta d’aider à plusieurs reprises les dirigeants à mettre des mesures en place pour mieux gérer la situation. Elle finit par partir discrètement, car elle était convaincue de la responsabilité de l’organisation d’avoir dissimulé des crimes. En 2001 elle décida de présenter cela aux médias, sur NBC afin de sensibiliser le monde. Une semaine avant la diffusion à la TV, elle fut excommuniée pour motif de causer des divisions. L’organisation la neutralisa afin que les autres Témoins de Jéhovah ne l’écoutent pas. Vous pouvez voir son témoignage NBC ici en anglais :
Depuis ce jour, elle n’a plus de contact avec ses enfants, qui ont coupé tout lien. Elle n’a non plus jamais vu ses petits-enfants. Elle raconte de façon résumée son histoire dans cette vidéo, traduite en français :
Vous retrouvez l’original aussi ici
Elle a publié plusieurs livres que vous pouvez trouver ici.
La communication de l’organisation aux adeptes sur le sujet de la pédophilie
Une autre façon de contribuer à l’unité est de rejeter les fausses histoires qui sont conçues pour nous séparer de l’organisation de Jéhovah. Par exemple, pensez aux mensonges et aux déshonneurs des apostats qui prétendent que l’organisation de Jéhovah est permissive à l’égard des pédophiles. C’est ridicule, n’est-ce pas ? Si quelqu’un prend des mesures contre quelqu’un qui menacerait nos jeunes, et prend des mesures pour protéger nos jeunes, c’est l’organisation de Jéhovah. Nous rejetons catégoriquement de tels mensonges.
Stephen Lett – tv.jw.org de février 2015
Autres sources
Affaire Candace Conti
JWFacts – Développement détaillé du sujet.
JWFacts – Quelques affaires importantes concernant les cas de pédophilie. On y trouve des condamnations à plusieurs dizaines de millions de dollars contre la société Watchtower.
Témoignage de Velicia Alston: